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Partenariat transatlantique UE/USA
Le 18 juin 2013, le Conseil européen arrêtait les principes du projet d’Accord de partenariat transatlantique censé aboutir à terme à la création d’un « marché interne transatlantique » comprenant l’Union européenne et les Etats-Unis.
Ce projet
de zone de libre-échange couvre
non seulement les barrières tarifaires,
mais aussi les normes et
les réglementations, ainsi que diverses
législations concernant les
marchés publics, les investissements,
la concurrence, les droits
de propriété intellectuelle ou les
aides publiques. L’accord est censé
être conclu dans les deux ans
et engendrer, selon la Commission
européenne, un surcroit de
croissance du PIB de plus de 0,5%
et un nombre considérable de
nouveaux emplois. Le partenariat
transatlantique est ainsi présenté
par l’Union européenne comme
un antidote à la crise. Pourtant,
après analyse, ce projet a plutôt
les allures d’une fuite en avant.
Primo, les projections de la Commission
européenne reposent
sur le postulat idéologique selon
lequel le libre-échange crée de la
croissance et de l’emploi, mais
cette théorie ne tient pas la route
lorsque les ressources ne sont
pas pleinement employées, c’est-à-
dire quand le taux de chômage
est élevé, comme c’est le cas actuellement.
Ainsi, les estimations
du Centre européen d’économie
politique internationale aboutissent-
elles à seulement 0,06%
la hausse du PIB en Europe et
aux Etats-Unis et à un surcroit de
richesse de 3 centimes par jour et
par personne à partir de 2029 [1].
En outre, contrairement à la
théorie de l’« effet de ruissellement
», les bénéfices tirés du
libre-échange ne « ruissèlent »
pas jusqu’aux plus pauvres, mais
sont au contraire captés par une
minorité.
Deuxio, le projet de partenariat
transatlantique concerne moins
la baisse des barrières tarifaires,
dont le niveau est déjà très faible,
que l’harmonisation des normes
et des réglementations non tarifaires.
Or l’Union européenne
n’est toujours pas dotée de
normes internes suffisantes dans
des domaines aussi stratégiques
que l’énergie, les télécommunications
ou le transport par rail. En
outre, ces normes renvoient à certains
sujets très sensibles comme
les OGM, le bœuf aux hormones,
la culture ou le gaz de schiste. Par
conséquent, comme le souligne
Pierre Defraigne : « L’Europe se
perdra à courir deux lièvres à
la fois : entre affirmation d’une
identité européenne et dilution
dans l’espace atlantique va se
jouer l’avenir de l’identité européenne
» [2]. C’est en effet de
profondes réformes politiques,
économiques et sociales internes
dont l’Europe a urgemment besoin
pour sortir de la crise.
Tertio, le projet de partenariat
prévoit de confier à des tribunaux
ad hoc le soin d’arbitrer les litiges
entre les Etats, contraints de
mettre en conformité leurs législations
internes, et les firmes privées,
pouvant poursuivre un Etat
signataire dont la politique entre
en contradiction avec l’accord de
libre-échange transatlantique. En
d’autres termes, les Etats européens
seraient susceptibles d’être
poursuivis et condamnés pour
avoir mis en œuvre des politiques
de santé, de protection de l’environnement
ou de réglementation
financière entrant en contradiction
avec les termes de l’accord
de libre-échange et restreignant
la liberté de commercer des firmes
transnationales.
In fine, la stratégie de l’Union
européenne et des Etats-Unis
consiste à s’accorder sur des
normes qu’ils pourraient ensuite
plus facilement imposer au reste
du monde, et ainsi contourner les
obstacles rencontrés à l’OMC, où
les pays émergents comme l’Inde,
la Chine ou le Brésil pèsent de
plus en plus. En négociant parallèlement
un partenariat transpacifique
avec douze pays d’Asie
et du Pacifique, les Etats-Unis
cherchent en outre à contrer la
montée en puissance de la Chine,
qui a riposté en négociant un
partenariat économique régional
avec les pays de l’ASEAN.
Cette stratégie aboutira-t-elle ?
Certes, elle est défendue ardemment
par le puissant lobby du
Trans-Atlantic Business Council,
qui a l’oreille de la Commission
européenne, mais le projet d’accord
porte sur des sujets sensibles
et n’apporte aucune solution crédible
pour sortir de la crise. Il est
à espérer que l’Union européenne
optera après les élections de mai
pour une autre politique que celle
de la fuite en avant.
Par Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11
(@ArnaudZacharie)
[1] Lori. M. Wallach, « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens », Le Monde Diplomatique, novembre 2013. www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803
[2] Pierre Defraigne, « Le dangereux mirage du “transatlantisme” commercial », Madriaga College of Europe, December 2013-January 2014, p. 3. www.madariaga.org/in-the-media/op-eds/904-le-dangereux- mirage-du-transatlantisme-commercial