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La chronique de Gérard Manréson
docteur es cynisme à HECC, la Haute école du Café du commerce
Le 10e Forum pour le futur de l’agriculture,
le FFA, était jouissif cette
année. Cette rencontre annuelle
de l’agro-industrie se déroulait le
28 mars dernier à Bruxelles. C’est
notre Davos agricole. Et il a tenu ses promesses
: il y avait Kofi, le sénile de l’ONU, le
WWF, bien sûr, toujours prêts à nous cirer
nos mocassins à glands, et même le Pape !
Oui, oui, le dernier Pape, François, le père de
l’encyclique Laudato si’ qui critique le capitalisme
et la course insensée au progrès et à
la technologie. Il était venu dire tout le bien
qu’il pensait de Syngenta, le géant suisse de
la chimie et de l’agro-alimentaire, par ailleurs
organisateur du FFA.
J’aurais bien dansé entre les allées de la
grande salle, mais c’était bondé. Alors j’ai
ri sous ma cape, en pensant aux 50 organisations
paysannes et environnementales et
à toutes ces ONG qui tentaient, en vain, de
critiquer, devant l’entrée du Forum, notre
intense lobbying mené auprès des décideurs
européens.
Ces zozos avaient beau dénoncer la contradiction
entre le triptyque pesticides-engrais-
monoculture et notre slogan : « Where
agriculture and environnement meet »
(Quand l’agriculture et l’environnement se
rencontrent), je savais ce qui resterait de
tout ça : le message du pape et son soutien
à Syngenta.
On les a bien enfumés ! Déjà qu’on avait
Olivier De Schutter au programme, l’exrapporteur
spécial des Nations unies pour le
droit à l’alimentation.
On a mis sa photo en home page de notre site,
vous pensez bien !
Et qu’il ne vienne pas nous parler d’agroécologie,
on s’en fout comme de notre première
cuite, le modérateur lui a d’ailleurs vite coupé
la parole.
Faudrait quand
même pas qu’il
vienne critiquer
les néonicotinoïdes
ou le glyphosate – ce
qu’il a fait dès sa sortie du
Forum, le traître ! Avoir des contradicteurs,
cela vous donne l’apparence de modération
et d’ouverture.
Moi aussi j’adore parler du « climat » ou de
la « santé ». Quand j’en parle en public, je
rajoute dans ma tête… « des entreprises », ce
qui fait que j’irradie d’une honnêteté intellectuelle
inimitable.
Sur les sites Internet, dans les discours et les
interviews, je me délecte avec des expressions
comme « conscience globale », « responsabilité
environnementale » ou « lutte contre
la faim ». J’y trouve autant de plaisir que
lorsque je volais à cinq ans des sucreries à
l’étalage en souriant à l’épicière !
Evidemment, c’est un peu différent si l’on
cherche à vous empêcher de vendre nos produits.
La Commission européenne a essayé
avec les néonicotinoïdes de Syngenta. Sur
le coup, on n’a guère parlé d’économie circulaire,
ni de biodiversité, mais on a directement
porté plainte à la Cour de justice de
l’Union européenne pour entrave au profit.
Pour qui elle se prend, la Commission ?
Le Pape, mon pote
Pour en finir, je voudrais vous raconter, sous
le sceau de la confidence, comment les amis
de Syngenta, trop forts !, ont pu obtenir le
soutien du pape alors qu’ils manipulent génétiquement
la vie et qu’ils aspergent la planète
entière de produits chimiques actifs !
Voici la marche à suivre.
Un : vous contactez la nonciature, un bidule
Et Dieu créa
Syngenta
diplomatique rempli de gens qui manipulent
le double discours, un peu comme vous.
Deux : vous leur proposez d’utiliser la vidéo
que le Pape a faite il y trois mois pour un
quelconque événement eucharistique. Du
coup plus besoin de trop expliquer qui vous
êtes vraiment, votre interlocuteur est rassuré,
vous allez diffuser la bonne parole.
Trois : vous remontez une nouvelle vidéo à
partir de celle du Pape, c’est un viol déguisé
certes, mais le flou que vous avez mis autour
de vos intentions vous permettra d’affirmer
qu’il y a eu consentement.
Enfin quatre : vous ajoutez à l’image du Pape
vos images d’agriculture, d’enfants souriants
et de moissonneuses en série.
La vidéo doit être belle, bourrée d’idées généreuses
et positives. Le Pape ne peut pas se
retourner contre vous, votre vidéo transpire
de générosité.
Par contre le Pape est associé à vous et ça
c’est bingo ! Vous devenez ce sauveur du
monde que vous avez toujours prétendu
être. Le Pape est votre pote, vous ne devez
rien changer à votre plan d’action et à votre
business.
Mieux que ça : désormais, vous aurez accès
aux financements publics de l’Union européenne,
de la coopération, de la lutte contre
le changement climatique, et peut-être
même de… l’Eglise. Amen !
Alors…
Merci qui ?
Gérard Manréson
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