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Chronique

Imagine, 25 ans de vie éditoriale en quête de cohérence

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Kelly Sikkema / Unsplash

A l’occasion de notre 25ème anniversaire, nous nous sommes plongés dans les archives d’Imagine : 146 numéros, des milliers d’articles et de personnes interviewées… et une volonté affichée de cohérence éditoriale. La preuve, notamment, avec la couverture de la crise environnementale.

1996-2021. Un quart de siècle déjà que notre magazine tente, numéro après numéro, « de dépasser les constats pour comprendre la société », comme l’indique sa charte fondatrice. Le défi de ses concepteurs ? Face à la morosité d’une époque, faire le pari de « l’audace d’une vision prospective, qui redonne du souffle et engendre l’enthousiasme plutôt que le défaitisme cynique ». Vingt-cinq ans plus tard, Imagine est plus déterminé que jamais à raconter, décrypter, dénoncer les métamorphoses écologique, sociale, politique…

A l’occasion de cet anniversaire, nous avons pris la peine de nous replonger dans nos archives. Pour mesurer, avec recul et humilité, ses côtés avant-gardistes, ses excès d’optimisme parfois, ses bonnes intuitions journalistiques, ses obsessions (mono)thématiques, ses cris d’alerte répétés, ses traversées (médiatiques) du désert, ses prises de position affirmées… Cent quarante-six numéros, plus de 3 000 articles, des milliers d’interlocuteurs interviewés, des couvertures pertinentes et d’autres moins, des dossiers au long cours, des figures émergentes, des centaines d’initiatives locales audacieuses…

Une histoire d’un magazine belge et indépendant forcément imparfait, avec ses éclats et ses faiblesses, mais un souci continu de cohérence et de la suite dans les idées. Un exemple, que nous n’avons évidemment pas choisi par hasard : la crise climatique. Dès sa création, Imagine en fait son cheval de bataille. Cinq ans après le Sommet de la Terre de Rio de 1992, le magazine dénonce, déjà, l’inertie des gouvernants qui se comportent « comme l’orchestre du Titanic ». En précisant, dossier fouillé à l’appui : « Les responsables de plus de trois quarts des émissions passées et de la majeure partie des émissions présentes de CO2 sont les pays développés. Leur production par habitant est largement supérieure à celle du reste du monde. Ces pays ont donc contracté une dette morale envers le reste du monde et les générations à venir. »

En 1999, la succession d’anomalies climatiques relevées pousse la rédaction à s’interroger : « la faute à pas de chance ou à l’effet de serre ? » La liste des ‘‘extravagances’’ qui « contribuèrent à marquer l’année au fer du ‘’climatiquement exceptionnel’’ » est dressée : des vents atteignant 250 km/h dans l’état indien d’Orissa, une canicule record en Russie, des chutes de neige d’un volume inégalé en Europe centrale, des pluies torrentielles en Afrique de l’Ouest, au Mexique et au Venezuela. « L’intensité exceptionnelle des tempêtes qui frappèrent la France les 26 et 27 décembre 1999 a replacé le débat sur les changements du climat à l’avant-scène de l’actualité. Ces événements, comme les autres ‘‘anomalies climatiques’’ répertoriées au cours de ces derniers mois, relève-t-il des caprices habituels de la nature ou est-il le signe de profonds bouleversements induit par l’effet de serre ? ». En page 16 de ce même numéro, Jean-Pascal van Ypersele alerte déjà : « Nous sous-estimons peut-être la rapidité des changements climatiques. » Le climatologue de l’UCLouvain ne croyait pas si bien dire.

En juillet 2002, Imagine consacre son dossier au Sommet de la Terre, qui se déroulera un mois plus tard à Johannesbourg. Et retape sur le clou : « Le temps est venu d’agir pour modifier le cap. La vie des générations futures en dépend. Pour elles, le futur, c’est maintenant. » En janvier 2007, à la Une, même appel à l’aide planétaire : « Dix ans pour sauver le climat ! » Quelques numéros plus tard, il est question des inondations, des sécheresses et des cyclones qui affectent gravement les paysans de Madagascar. Aujourd’hui, ce pays est le premier au monde à connaître une famine due à la crise climatique.

Faut-il ajouter l’Anthropocène, une nouvelle ère géologique, dans l’histoire de la Terre ? Imagine en parlait déjà en 2011, alors que le terme a été officialisé en… 2016. Quelques mois plus tard, au sortir du 18e sommet de l’ONU sur le climat, en 2012 à Doha, il signe un nouvel éditorial mobilisateur : « L’incapacité des plus grands Etats à se saisir de cette question historique [le changement climatique] est aujourd’hui patente. Or, en raison des gaz à effet de serre qui s’accumulent, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre 2020 pour agir. » En juillet 2015, à la veille de la COP21, sa Une illustrée (« Climat : Paris à prendre ») se veut quant à elle clairement mobilisatrice. Tout comme celle de novembre 2018 (« Génération climat : jeune, vert et vivante »), pionnière sur le coup : deux mois plus tard, 100 000 citoyens manifesteront dans les rues de Bruxelles et 2019 sera marquée par les formidables marches pour le climat portée par la jeunesse mondiale. De son côté non plus, Imagine ne lâche rien : en mai 2019, nouvelle Une illustrée par une Terre en feu enserrée dans un thermomètre bouillonnant. Titre : « Climat : Etat d’urgence ». Et depuis lors, pas un numéro sans qu’il soit question de ce sujet dans nos colonnes à travers des personnalités militantes, des penseurs engagés, des scientifiques avisés…

Cette cohérence éditoriale et cette volonté d’anticiper les grands enjeux de société traverseront l’ensemble de l’histoire de notre magazine. Il y a 10, 15, 20 ans déjà, il était déjà question de ce « million de révolutions tranquilles », en Belgique et aux quatre coins du monde. Autant de sujets aujourd’hui très tendances : les premiers potagers urbains, les écoquartiers naissants, les villes en transition, la « vélorution » en marche, les énergies non polluantes, le végétarisme, l’économie circulaire,… Avec une mission journalistique affichée : « désenclaver les idées originales et audacieuses ».

Imagine mènera aussi de nombreuses enquêtes de fond sur la pollution industrielle, le rôle des syndicats, l’Europe des lobbys, la vie dans les maisons de repos, les forêts du futur, les politiques fiscales, la publicité mensongère… Il abordera des sujets encore peu traités ailleurs au moment de leur publication (écocides, les ZAD, le bilan carbone du web, le transhumanisme, l’économie collaborative, les biens communs, la finance alternative, les médecins douces, le travail libéré…). Et sonnera l’alerte sur de nombreuses urgences sociétales et écologiques : du sort des migrants à la folie du foot-business, de l’extinction des espèces aux multinationales du pétrole, des océans en danger à la montée des nationalismes… Le tout en défendant « une pensée complexe et nuancée, apaisée et féconde, libre et non-conformiste », en « alliant la recherche des faits, l’étude, la réflexion et l’expérience » et en « refusant la facilité et les simplismes », comme le précise son Manifeste de 2020.

Impossible évidemment de résumer ici l’histoire riche et féconde de notre magazine. Un anniversaire, c’est juste un temps de pause festif. Pour regarder derrière, mais surtout devant. Rendez-vous donc dans vingt-cinq ans pour explorer ensemble nos « archives du futur ».

La rédaction d’Imagine

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