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Éditorial

Redevenir terrestres

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« Nous vivons dans un monde fini, avec des limites planétaires largement dépassées : nous n’avons pas de planète B. Nous sommes au cœur d’un basculement et nous allons vers un futur incertain et imprévisible (…) Nous avons le devoir moral d’agir individuellement et collectivement pour faire face aux périls qui menacent la survie de l’humanité (…) »

Ces quelques lignes ont été écrites in tempore non suspecto au début de l’automne 2019. Elles figurent en ouverture de notre nouveau manifeste Imagine qui accompagne ce numéro. L’épidémie du covid-19 nous conforte plus que jamais dans nos convictions éditoriales : il est grand temps qu’Homo sapiens atterrisse. Trop longtemps, l’homme dit « moderne » a vécu hors sol, déconnecté de l’essentiel, persuadé qu’il était invincible, omniscient, au centre de l’univers, capable de tout dominer, maîtriser, diriger, et soudainement, brutalement, le coronavirus lui rappelle qu’il n’en est rien.

Du haut de sa tour d’argent, de sa plateforme pétrolière ou de son paradis fiscal, cet homme a surplombé le monde avec orgueil, avidité et arrogance avant de le conduire droit au désastre. Il a maltraité et pillé la nature qu’il prétendait infinie, violenté et asservi les plus pauvres, grisé par l’abondance des énergies fossiles, le rythme fou des algorithmes boursiers, le mythe de la technoscience et les sirènes de la croissance économique, cédant l’essentiel de son pouvoir aux multinationales et aux grandes institutions financières. Le voici tout à coup terrassé par une maladie infectieuse émergente et globalisée dont il ne maîtrise ni les tenants ni les aboutissants.

Oui, Homo sapiens doit atterrir, là, maintenant, et redevenir au plus vite terrestre. Il n’a plus le choix ni le temps d’attendre. Car le Covid-19 n’est qu’un avant-goût des catastrophes d’une ampleur autrement plus vaste que constituent les dérèglements climatiques et l’extinction de la biodiversité : « La crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible », comme le rappelle le philosophe et sociologue Bruno Latour.

Oui, nous devons d’urgence reprendre contact avec le sol, avec la vie. Nous ré-enraciner. Humains et non humains solidaires. Sans hiérarchie de valeur ni de statut pour « ouvrir la voie d’un habiter terrestre, viable et fraternel », comme le propose le philosophe Dominique Bourg.

Re-fonder la société des hommes dans leur manière de produire, consommer, gouverner, travailler, enseigner, réfléchir, éduquer, anticiper, s’entraider, partager les richesses et les ressources. Tirer les leçons de l’histoire. Et poser les jalons d’une nouvelle civilisation.

Vers un futur désirable

Ce nécessaire retour sur Terre est un des fondements de notre magazine depuis sa création, en 1996, et figure plus que jamais au cœur de notre projet éditorial. Au terme d’un passionnant processus créatif et participatif baptisé #Imagine2020 et initié l’été dernier, notre rédaction a l’immense plaisir de partager avec vous ce numéro inédit en deux parties, construit collectivement en pleine pandémie, autour d’une nouvelle géographie organisée en six territoires, d’un manifeste réaffirmant nos valeurs et nos engagements, et en compagnie du comité d’accompagnement Les Pisteurs d’Imagine, composé de quinze personnalités issues de la société civile. Ainsi que notre nouveau site slow web entièrement repensé de manière éco-responsable.

Tous les deux mois, notre magazine poursuivra sur la voie d’un journalisme en prise directe avec le réel. Pour raconter, questionner, explorer, décrypter et dénoncer ce monde en clair-obscur
« ni définitivement noir, ni complètement radieux » et se projeter vers un futur désirable. Pour porter des idées audacieuses, relayer une pensée complexe et nuancée, faire entendre la voix des dominés et des minorités oubliées, partager cette indispensable poésie de la vie. A l’écoute, sans cesse, des chants, des cris et des révoltes. Au coin de la rue, comme à l’autre bout du globe. Bon voyage avec Imagine Demain le Monde. Merci de nous accompagner dans cette vivifiante aventure terrestre.

Hugues Dorzée, rédacteur en chef

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